Il y a 10 ans j'ai créé le projet "Un Mémorial pour les Enfants de la Shoah", une installation mémorielle et artistique pour les 1 500 000 enfants juifs assassinés pendant la Shoah.
Après plusieurs années de recherches sur les mémoriaux, d’enquête sur l’histoire de ma famille pendant la Shoah, j'ai petit à petit laissé place à ce qui me paraissait le plus juste pour honorer la mémoire des enfants et évoquer leur existence...
...LES OBJETS, L'ESPACE ET LE TEMPS :
Et si les enfants assassinés pendant la Shoah, les 1 500 000 enfants, avaient pu vivre, quelle place prendraient-t-ils au monde aujourd’hui ? Quel espace prendraient leur maison, leurs objets, leur métier, leur vie, leur descendance, leurs enfants et leurs petits-enfants ? 1 500 000 personnes, quel espace immense cela prend. 1 500 000 vies, quelle multitude, quelle diversité, quelles possibilités !
J’ai alors entrepris de rassembler 1 500 000 objets, du présent ou du passé, en mémoire de ces enfants : récolter un objet pour chaque enfant, un objet qui deviendra symbole, afin de se souvenir, et créer un immense lieu de recueillement, d’images et de vie pour eux. J’ai déjà collecté des objets petits, grands, minuscules, presque invisibles, lumineux, légers, lourds, de toutes formes, toutes couleurs ou matières, de laine, de fer, de papier, des sons enregistrés, des musiques, objets tout neufs ou anciens, peintures fraîchement peintes, dessins presque effacés, objets de vie, objets transitionnels, objets de résilience, minutieusement réunis un à un, dans ce nouveau mémorial. Le projet de toute une vie, un temps infini à prendre.
Face à l’immensité de la tâche je n’aurai pas assez de ma toute ma vie pour aller au bout de ce projet, j’ai donc demandé aux gens autour de moi de me faire dons d'objets pour les enfants.
Une force créée collectivement contre l’oubli.
Alors, pour participer à ce Mémorial...
Quels objets choisir ? Des objets qui vous parlent, qui vous font rêver, qui vous parlent de vie, qui ont une âme pour vous, qui font sens pour vous, des objets de votre vie, qui auraient peut-être pu appartenir aux enfants, et que vous voudriez donner pour la mémoire.
Les objets peuvent être récupérés à votre convenance sur rendez-vous, ou sont à envoyer à Béatrice Algazi
« Projet Un mémorial pour les enfants de la Shoah »
88 bis rue Jouffroy d’Abbans
75017 Paris
Merci à tous.
Lorsque j'ai découvert la photo de ces deux enfants, Roger at Rachel Morhaim, au Mémorial de la Shoah, je ne savais pas que j'étais liée à eux par mon grand-père, Rodolphe Morhaim. Lui qui a survécu à la guerre de manière miraculeuse, ne parle jamais de ses cousins déportés. Je démêle petit à petit les fils de mon lien à eux, mais c’est seulement en 2019, que ma mère me remet un dossier contenant des photos d’eux, de leurs parents, des documents intimes leur ayant appartenus, traces de leur vie avant la déportation. Ce dossier avait été oublié dans le placard de mon grand-père, puis à sa mort, passé de mains en mains, pour finir dans les miennes. Cette découverte devient un trésor et fait naître en moi une nécessité de créer une œuvre artistique en mémoire des enfants Morhaim, et puis de tous les autres enfants.
Dans le Mémorial des enfants juifs déportés de France, une phrase de Serge Klarsfeld me marque : « Dans l’absolu, j’aurais voulu un livre de 11000 pages, de 11000 visages. ». Je cherche alors un moyen de développer un nouveau mémorial, un projet où par le biais de l’art, on prendrait le temps de se souvenir de chacun de chaque enfant déporté.
Suite à plusieurs années de recherches autour des mémoriaux et du thème de la Shoah dans l’art, ma démarche se précise, j’entreprends alors de recueillir 1 500 000 objets-symboles pour les enfants assassinés pendant la Shoah. 1 500 000 objets de résilience, qui permettront de créer un espace de mémoire et de recueillement. En 2020, je rends le projet participatif, les donations et témoignages arrivent et enrichissent ce mémorial.
Rachel et Roger Morhaim sont nés le 3 Mars 1932 et le 13 février 1934 à Brest. Lorsque la police vient les chercher à leur école de Champigny sur Marne en 1942 près de leur domicile, ils sont prévenus par les professeurs et parviennent à se cacher dans l’école. Ce sont des enfants de l’école qui dénoncent leur cachette. Ils sont emmenés à Drancy avec leur grand frère Albert, 19 ans et leurs parents Nissim et Mazalto Morhaim. Ils sont déportés par le convoi numéro 47 du 11 février 1943 partant de Drancy. Ils arrivent à Auschwitz-Birkenau et sont probablement assassinés le 13 février, le jour du 9ème anniversaire de Roger.
Les objets et les noms des enfants
Ce nouveau mémorial est un espace qui a été pensé comme un parcours intime, chaque objet ayant été recueilli est exposé. Le nom de chaque enfant déporté vient petit à petit être inscrit sur les murs, ainsi que son âge et son pays. Le lien entre les objets et les noms des enfants invite au souvenir. Cet espace grandit et évolue au fils du temps.
Genèse et Atelier
Deux espaces accompagnent le mémorial. Le premier, "La Genèse" est un espace est reservé aux photos et documents d’archives ayant appartenus aux Morhaim. Il met en lumière l’histoire d’une famille déportée en France, les traces qu’il reste d’eux et comment ces traces sont à l’origine de ce projet artistique.
Le second, "l'Atelier", constitue « la fabrique » de l’exposition. Les objets peuvent y être déposés et répertoriés. Les noms des enfants y sont soigneusement préparés, les objets installés. Il rend visible le travail derrière cette scénographie et dévoile le caractère collectif de l’œuvre.
Ce mémorial est devenu collectif avec ce premier objet offert par Sylvie Chicheportiche et son fils de 13 ans Benjamin: un appareil photo ayant appartenu à son père, Maurice Varon, enfant juif d'origine turque caché pendant la Shoah.